Enquête de terrain

Le but de l'étude est donc d'apprécier l'efficacité de ces guichets fonciers. Pour l'évaluer, il s'agit de rencontrer les personnes qui font face aux problèmes de terre.


Sur la photo du haut, nous rencontrons un chef de zone, ce qui représente 3-4 collines. C'est un peu comme si j'étais le chef de Saint-Job-Viviers d'Oie et Fort-Jaco. Assez souvent, il arrive que les habitants se réfèrent à lui sans passer par un tribunal..C'est un peu comme si vous aviez un voisin qui construisait une terrasse avec vue plongeante sur votre jardin. Alors très insatisfait(e), vous alliez me voir pour crier votre colère (Et étant donné que vous seriez ma soeur, je vous donnerais raison, et allez hop, en compensation je ferais détruire la terrasse et toute sa maison!). On lui demandait "Mais comment faites vous, chef, pour arrêter les conflits? Quels sont les conflits les plus fréquents? Etc. C'est dans ce bureau que j'ai découvert le magnifique calendrier (voir post plus bas)

Pour rencontrer des simples citoyens ayant des soucis, il faut aller au tribunal ! Ainsi nous avons recontré cette dame. Son mari est décédé. Du coup, sa belle-famille est en train de l'expulser sournoisement de ses terres (en volant les récoltes, en faisant paître les animaux sur ces terres), au motif qu'elles appartiennent au mari, et non à elle. La succession des femmes n'est pas (encore) un droit au Burundi. Toutefois, les juges reconnaissent que c'est un problème et leur donne donc parfois raison (le juge s'en cale de ne pas se justifier avec une loi...le chaos des non lois est parfois bon).

C'est la 3ème fois qu'elle se rend au tribunal à la demande de ses beaux frères, qui eux ne viennent pas! L'absence d'une des parties est une technique récurrente car 1/ elle asphyxie financièrement celui qui s'est déplacé 2/ fait durer le procès 3/ énèèèèèèrve tout le monde. Une des recommandations de cette dame était de soit, juger même si une partie est absente et tant pis pour lui 2/faire payer une amende. Les recommandations seront dans le rapport final.

Surveillance peinarde!

Ces photos n'ont rien à voir avec l'enquête, et en plus elles sont prises en "schlide" sous la manche de mon tee-shirt sans que personne ne le voit!

La 1ere me fait toujours marrer. Les bleus surveillent les verts. Mais peinards hein! Y-en a même un qui a mis sa kalach dans le pick-up. N'ont pas l'air inquiet d'une éventuelle évasion. Les verts, c'est au pire (ou mieux, ça dépend du point de vue) des innocents qui attendent d'être enfin jugés. C'est en tout cas très certainement des petits gars qui croupissent en prison depuis des mois en attente d'un procès (2/3 des prisonniers sont en attente d'un jugement!). Vu qu'on se trouve au Tribunal de Grande Instance, ils sont quand même accusés d'un truc grave (vol d'une grosse somme d'argent, banditisme, meurtre)...Mais ça n'inquiète pas les policiers. Quoique 10 minutes après, ils cherchaient un détenu qui était parti pisser et qui est revenu de lui-même. Il s'est pris une petite baffe et on était reparti à la sieste.


La 2eme photo est une longue histoire que je vous ai certainement déjà rencontré, et si non, demandez là moi (en me tirant par la manche et en pleurnichant "père castor" entre les dents). En résumé, c'est une amie de ma traductrice qui est accusée par son ex-petit ami d'avoir kidnappé leur petite fille de 5 ans. Le détail est que cette petite fille habite avec sa Maman depuis...5ans! Le père ne veut même pas la garde de cette enfant! Bref, c'était vraiment un coup tordu d'un monsieur qui avait des frères hauts placés dans le parti, et qui a convaincu un juge de fournir un mandat d'arrêt.

Mais vous connaissez votre Guillaume savior? Le protecteur des veuves et orphelins (et autres enfants aussi)? Pendant que ma chère collègue se démenait avec la police pour qu'elle n'aille pas en prison (en attendant son procès...vous avez lu la statistique au paragraphe précédent?), Guillaume courut, roula, patina, skia dans toute la ville pour trouver son collègue avocat qui buvait un thé avec ses potes, un jour où le réseau GSM était un peu trop fatigué qu'il fit une petite grasse matinée (Les amis de Lili comprendront).

En un mot comme en cent, nous avons convaincu la police de laisser la maman dormir à l'hopital avec sa fille car elle était enceinte de 8 mois. De ce résumé lu, vous ratez quand même une population en masse devant le tribunal en train d'insulter les policiers d'être(s) inhumains, des policiers refusant l'accès du tribunal aux journalistes, des policiers et le juge écoutant à la radio "qu'une maman était menacée de prison avec sa petite fille au tribunal de Ngozi" ..Ngozi? Mais c'est ici? (Courageux les journalistes pour le coup), et des discussions interminables sur "vraiment le blanc, essaye de la convaincre d'aller en prison pour le week-end...)...Une des questions de l'enquête était "Comment jugez-vous la justice au Burundi, très mauvaise, mauvaise, bonne, très bonne. C'était pas super positif.

La Formation des enquêteurs

Maintenant que les questionnaires ont été testés sur le terrain, il s'agit d'expliquer aux futurs enquêteurs comment se déroule un entretien avec un répondant. Il y a d'abord la partie comportementale, dont les conseils sont par exemple, "On ne fait que lire les questions et inscrire la réponse", "On ne juge pas la réponse, on ne rit pas"...Cela semble évident, mais c'est une société très hiérarchique. Le paysan n'est pas toujours bien considéré. Et il ne s'agit pas de se foutre de lui, on veut des vraies réponses A l'inverse, certains étaient déjà inquiets de devoir interwiever les "Bashingantahe", qui sont un peu "les sages", les élites, les notables de la commune.
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Faire comprendre les questionnaires n'étaient pas de tout repos: "Mr Guillaume, là...Pourquoi il y a une case "Je ne sais pas? -S'il ne sait pas, éh, pourquoi je lui pose la question moi?" Bon, j'exagère un peu. Et souvent les questions étaient pertinentes...Mais à chaque formation, sa petite perle. 

Voilà ainsi donc se termine la charmante partie sur le Burundi, avec comme petit adieu pour ce pays, un dernier article sur son présidentissime président parmi ces amis. Mes aventures reprendront rapidemment au Rwanda! Promis. Par contre, le ton des articles sera plus consensuel, plus politiquement correct parce que la démocratie rwandaise ne rigole pas de tout, pas avec moi, et elle garde toujours un oeil sur nous...Mais j'éssayerai quand même hein...(et donc pas de commentaire embarrassant svp...Pour ça on se retrouve sur le forum de la Libre Belgique)