Arrivé en Avril est assez déroutant. D'un côté, lorsque vous arrivez dans une nouvelle ville, vous voulez sortir, rencontrer des gens, prendre la température du nouveau lieu.
Mais Avril à Kigali, c'est la période du souvenir, une période chargée, qui forge depuis toute l'identité du pays depuis. En effet, dans la nuit du 6-7 avril 1994, se déclenchait le génocide des Tutsi et le massacre des Hutus modérés
Si on a tous entendu parler de ce génocide, le plus rapide de l'histoire, si certains d'entre nous ont lu les témoignages terribles des survivants, ou ont pu regarder jusqu'au bout les films relatant les massacres, vivre à Kigali en avril est définitivement une nouvelle épreuve. Il y a d'abord les commémorations. Les bureaux s'arrêtent pour se souvenir des collègues disparus. Ensuite, il y a les marches du souvenir, dont celle à laquelle j'ai pris part qui a rejoint le stade.
Les gens s'habillent en mauve, couleur du deuil, les panneaux publicitaires laissent place à des messages en anglais et Kinyarwanda qui invitent à : Se souvenir du passé pour construire notre futur. Les témoignages de survivants inondent les journaux. On parle encore de la chasse aux bourreaux, cachés au Canada, au Kenya, en France...On suit les procès en cours ici au Rwanda d'anciens bourgmestres qui ont appelé au viol, qui ont enfermé leurs voisins pour les bruler ou les livrer aux Interhamwe, qui ont lancé des appels au meurtre à la radio...
Toute cette ambiance très lourde est encore accentuée par le fait que les restaurants et bars doivent fermer à 21.00. Les piscines ne sont pas ouvertes. Les comédies et soap de la télé ou à la radio sont interrompus le temps du souvenir. Tout plaisir ou moment de détente devra être remis à la semaine suivante.
De ma petite expérience, quand on nous parlait d'Auschwitz ou d'autres camps, les survivants étaient toujours des vieux messieurs, des dames de 75-80 ans. Ici au Rwanda, les survivants c'est vos collègues, les gars du foot, le taximan. Les tueurs, les petites mains, c'est pareil, c'est peut-être des collègues, le taximan, l'épicier...On a beau savoir et l'avoir entendu à répétition, "survivants et tueurs vivent ensemble, côte à côte", à observer c'est très troublant. Il faut s'empêcher de se poser la question de savoir de quel côté est votre nouvelle connaissance, ce qu'elle faisait en 1994.
Parfois, avec le temps, les langues se délient...Ma famille est morte, je suis tout seul...je me suis caché dans la forêt...Au final, demander à quelqu'un s'il a des frères, des sœurs ou des enfants devient une question sensible. On a peur de gaffer.
C'était impossible de ne pas mentionner une seule fois le génocide sur ce blog d'habitude plus léger. Mon ton léger reprendra très vite. Mais très certainement que des référence à ce triste événement referont parfois surface...
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